Flagrant délit de sourires !

Sportif à l’avenir prometteur, Frédéric Sotteau aurait pu collectionner les médailles, et multiplier les trophées. C’est pourtant en  transformant le quotidien d’enfants atteints du cancer, qu’il déclenchera  une avalanche de sourires ! Rencontre avec le fondateur de « Sourire à la Vie. »

Paris, un soir d’hiver 2015. Les fêtes de fin d’années approchent, mais l’effervescence n’est pas à l’ordre du jour. Les rues sont calmes, les sourires se font rares. Pourtant, à l’aube d’une année nouvelle, l’humeur se doit d’être au changement plus qu’à la répétition. Nous avons besoin de sourires ! Dans quelques minutes, j’ai rendez-vous avec Frédéric Sotteau. Nous nous rencontrons pour évoquer son engagement au sein de son association Sourire à la Vie qui œuvre pour offrir le meilleur aux enfants malades du cancer.  Je reconnais avoir tout sauf envie d’évoquer un sujet lié à la souffrance. Néanmoins, lorsque l’existence met sur votre chemin des diffuseurs d’optimisme, des semeurs d’espoirs qui prennent soin de la vie, de l’enfance et de ses rêves, le temps s’arrête un peu. Il reprend alors son sens premier, il redevient « présent. » Un présent porteur de résilience, à l’image de tous ces sourires, qui m’ont offert une immense leçon de vie, et de l’amour à profusion. Rencontre !

fred couleur

Sportif professionnel passionné par la voile, Frédéric aurait pu collectionner les médailles. C’est pourtant un tout autre chemin qu’il a choisi d’emprunter. Pour lui, l’aventure commence lorsqu’il a 25 ans. « C’était le jour de Noël, en 2004. Noël c’est la fête du partage, de la famille, et dans mon cas, c’était souvent synonyme de beaucoup de solitude. J’ai alors décidé de profiter de cette période pour me rendre utile,» me confit-il. Il accepte une mission de bénévolat dans le service d’oncologie-pédiatrie de l’hôpital de la Timone à Marseille, et célèbre Noel auprès d’enfants malades.

Frédéric releve médicale

Dans les chambres stériles, Frédéric découvre le quotidien mis à rude épreuve de ces enfants. Il est ici pour leur raconter des histoires, mais lui, des histoires, il ne s’en raconte pas.

« J’ai découvert un univers dur et plein d’humanité en même temps. J’ai eu le sentiment d’être catapulté au cœur de l’essentiel, au sein même de la vie.»                                                                  

En poussant la porte de l’Unité Pédiatrique d’Isolement, Frédéric reconnait avoir eu tout d’abord l’impression d’être « un astronaute embarqué pour un vol à l’essai. » Il m’explique qu’une fois passé la première porte, tout ce qui provient de l’extérieur est étiqueté comme contaminé.  Ce jour-là, il est accueilli par Sylvie, une infirmière, et André, le cadre de soins qui lui proposent de se rendre dans toutes les chambres pour aller à la rencontre des enfants en greffe de moelle.

Derrière les vitres, alors qu’il s’équipe, « des petites billes bleues » l’observent.

« De cette bouille pâlichonne, je ne vois que les yeux. Dans son regard se mêle un peu de crainte, mais surtout beaucoup de curiosité. »

L’enfant dont me parle Frédéric s’appelle Maxime, il a sept ans. Il se trouve en isolement depuis neuf semaines pour une greffe de moelle épinière. Maxime a un cancer. Ce matin-là, comme tous les matins, Maxime est seul dans ce service où les parents ne sont pas admis durant les soins.

Frédéric improvise. « Je tente de proposer à Maxime de lui raconter une histoire. » Maxime esquisse un premier sourire, puis acquiesce timidement. Frédéric se lance.

Au fil des mots le regard de Maxime s’illumine, Frédéric a alors le sentiment que Maxime, à cet instant, vient de retrouver son âme d’enfant. 

Frédéric prend tout son temps. En passant devant d’autres chambres, et en voyant des enfants, et des adolescents seuls, il tente un « bonjour, tu veux que je vienne partager un moment avec toi ? »                                                    

En quittant le service, « épuisé et bouleversé par cette journée,» il prend soin de laisser ses coordonnées en ne se faisant guère d’illusions. «J’étais conscient que mon intervention était loin d’être de grande qualité. Je pensais qu’ils ne me rappelleraient pas.»

Pourtant, le lendemain à 7H45, le téléphone sonne. Les enfants le réclame !  Ce jour-là, et les jours suivant, Frédéric assure une présence le matin pendant les soins.

« Je leur racontais des histoires d’aventures où le héros était blessé puis soigné. Des histoires où on voyageait à travers les océans, où l’horizon est large, et inspire la liberté. »

_On a vécu le cancer isolé dans nos chambres et puis on se retrouve sur un bateau_ Mohammed

Ces moments inspirants ne sont pas anodins. En effet, le père de Frédéric dirigeait une école de voile. « J’ai toujours aimé l’aventure. Vers treize ans, je partais tirer les filets chez un pécheur corse. On faisait de grandes navigations en méditerranée ! » Frédéric revient avec beaucoup de générosité sur ses années collège marquées par de nombreuses difficultés, « à la maison mais aussi à l’école où j’ai vécu le harcèlement scolaire. » Pour s’évader de ce quotidien indésirable, il s’accroche à la voile, puis aux voiliers qu’il n’a jamais quittés.

« La mer apporte l’humilité, un rapport authentique à soi-même. Quand on est en mer, on n’a pas de jeu à jouer, la nature offre la possibilité de se révéler. »

Frédéric fréquente alors de nombreuses équipes professionnelles, et passe son brevet de capitaine de la marine marchande tout en continuant de consacrer du temps aux enfants de la Timone. « Des idées ont alors commencé à germer dans ma tête, et un an plus tard, l’association est née. C’est Selma, une petite fille malade à l’époque, qui a choisi le nom de l’association, car lorsqu’on y vient, on retrouve instantanément l’envie de vivre, et on ne fait que sourire, » me précise-t-il.

Pour Frédéric, il est évident que si les enfants bénéficient d’autant d’attention et de préparation que les athlètes, ils seront plus armés pour affronter la maladie et les traitements.

« Pour gagner un titre Olympique, un sportif de haut niveau passe beaucoup de temps à se préparer pour être le plus en forme possible, et en pleine disposition de ses ressources pour son épreuve. Il en va de même pour l’enfant malade qui a tout à gagner à être préparé aux épreuves qui jalonnent son parcours thérapeutique. » Ainsi, l’équipe de Sourire à la Vie accompagne les enfants au quotidien avec une approche comparable à celle des sportifs.

L’association met également tout en œuvre pour que ces « enfants-athlètes » vivent des moments exceptionnels.        

_J'apprends à skier avec ma prothèse de jambe, je me dépasse_ Issam

Expéditions à chiens de  traîneaux dans le nord du Canada, tournage d’un film à New York traversée des mers à bord du catamaran de Sourire à la Vie, création d’une compagnie de danse, ses expériences ont permis à l’équipe de mesurer l’importance de briser la chaîne des mauvaises nouvelles en inscrivant dans la vie des enfants des périodes éminemment positives.

Sourire à la Vie privilégie également les spectacles de la compagnie de danse de l’association permettant aux enfants d’être continuellement dans une dynamique vivifiante.

« Ces projets transportent les enfants très loin de l’hôpital, et les invitent dans une aventure nécessitant plusieurs mois de préparation. Au-delà des émotions et de la fierté qu’ils en retirent, cela leur permet de se projeter dans l’avenir ! »

Sur son dos

Et lorsque l’on sourit à la vie, la chance est généralement au rendez-vous ! En 2011, Fabien Marsaud, alias Grand Corps Malade, croise le chemin de l’association. « Quentin Gilles,  le préparateur physique de l’époque connaissait très bien Fabien et lui a proposé de venir assister à une répétition. »

Ce jour-là, il découvre « une association extraordinaire, » et reconnait que ce sont les enfants qui, dès leur première rencontre lui ont donné une leçon de courage, de résilience et d’espoir.

« C’est avec fierté que je suis aujourd’hui et pour longtemps leur parrain, » déclare-t-il. Depuis ce jour, Fabien collabore à la création des spectacles avec les enfants qu’il joue sur scène avec eux. « Fabien connait très bien les enfants, et demande souvent de leur nouvelle. Lors des stages, s’il ne peut pas être présent, ce sont les enfants qui l’appellent pour lui envoyer plein de bisous à distance, » me raconte Frédéric.

_Je fais mes répétitions de spectacle avec Grand Corps Malade._ Loup

De son côté, Emmanuelle Compte, directrice de la communication me révèle cette anecdote qui en dit long sur ces sourires. « J’ai le souvenir d’un moment magique, je suis assise sur ma chaise de bureau face à mon ordinateur, et j’entends des bruits de pas discrets et une petite voix qui me dit : je viens juste te faire un gros câlin pour te donner de l’énergie parce que je sens que t’arrives pas à te concentrer … »

Dont acte.

Annabelle Baudin

Bonus des optimistes:  

AGIR! Pour soutenir Sourire à la Vie, la page de dons en ligne, c’est ici! 

DÉCOUVRIR! Pour suivre le quotidien des enfants de Sourire à la Vie, c’est ici! 

AIMER!  

Témoignage d’Emmanuelle Compte, directrice de la communication de Sourire à la Vie.

Emma et Elisa

« J’ai choisi l’épanouissement personnel plutôt que l’argent ! »

« A l’origine, rien ne me prédestinait à travailler dans le secteur associatif. J’ai fait un master dans une école de communication, et après avoir effectué de multiples stages en tant que responsable de communication, j’ai senti que quelque chose me manquait. Je n’étais pas épanouie dans ma vie professionnelle. J’ai alors débuté un stage pour l’association Sourire à la Vie, et ce fut la révélation. Je me suis trouvée à travers ce métier. Le secteur associatif est un univers dans lequel je me sens complètement moi-même, en accord avec mes valeurs, et mes envies.                                       

Le choix de travailler dans une association n’a pas été compris par tous mes proches, car à la fin de mon master, j’avais la possibilité de travailler dans une grande entreprise avec un salaire conséquent. Ne pas saisir cette chance, était perçu à leurs yeux comme un échec.  Je pouvais le comprendre, ils attendaient beaucoup de moi, certains membres de ma famille m’ont permis de financer l’école dans laquelle j’ai fait mes études, et aller contre leur avis était difficile. J’ai pourtant fait le choix de mettre mes compétences acquises pendant mes 5 années en communication au profit d’une association.

 J’ai choisi l’épanouissement personnel plutôt que l’argent. 

Si mon choix final se portait naturellement vers Sourire à la Vie, c’est parce que je me sentais évoluer en étant utile. Me sentir utile me procure l’envie de me lever le matin et de ne pas compter pas les heures tout au long de la journée.

J’ai tellement d’exemple autour de moi de personnes qui ont un très bon salaire et travaillent dans une grande entreprise, mais n’ont absolument pas envie de se lever le matin. Le dimanche soir devient même source de stress. Je trouve cela tellement triste. 

Je préfère être heureuse 365 jours par an plutôt que 5 semaines en vacances à l’autre bout de la planète !

 Mon épanouissement personnel a finalement sauté aux yeux de mon entourage qui aujourd’hui m’encourage dans mon travail, suit les actions de Sourire à la Vie de très près, font des dons, certains sont même devenus bénévoles !

Le matin, j’arrive au bureau, j’entends des petits poings qui tapent à la porte. Un premier sourire qui vient me dire bonjour, un deuxième qui réclame un câlin, un troisième qui nous raconte ses aventures sorties tout droit de ses rêves, ainsi de suite jusqu’à 20 enfants ! Je souhaite à chacun de démarrer sa journée de boulot par une dose d’amour si immense, rien de mieux pour se remplir d’énergie ! »

Emmanuelle

5 commentaires sur « Flagrant délit de sourires ! »

  1. Merveilleuse rencontre que vous avez fait là. Oui la maladie fait peur et qui plus est, celle des enfants. Mais les enfants sont incroyables et nous donnent de vraies leçons de courage et de vie. Pour avoir travailler pendant 9 ans en pédiatrie, service qui accueillait des enfants atteints de leucémie, de cancers, je peux vous assurer qu’ils sont extraordinaires. Merci une fois de plus, Annabelle pour ces belles rencontres que vous faites et que vous nous permettez de découvrir.
    Colette (@cdirr)

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  2. Magnifique article plein d’amour et d’humanité face à la réalité de la vie, les enfants sont ceux qui se plaignent le moins… Au contraire, ils nous offrent des sourires de l’amour et des câlins même malades, ils savent alors ils profitent à fond! J’en suis émue car je suis moi même malade, et je lutte contre une tumeur. Je suis maman de trois enfants Annabelle tu es superbe merci pour ce beau témoigne…
    😢😢😢😢😢👍👍👍🙌🙌🙋👍👍👍👍❤❤❤❤❤❤

    Merci à lire et suivez les articles d Annabelle BAUDIN ils sont vrais et époustouflants… Bravo à ce sportif dévoué, et à Grand corps malade…..

    Merci bisous djams… Qui se bat à fond 💪💪💪💪💪

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  3. Quelle réalisation magnifique de ces magiciens de la vie, de ceux qui se trouvent plus en accord avec eux mêmes en apportant leurs soutiens, leur humanité et leur écoute à ceux qui ne demandent qu’à vivre et être regardés et écoutés simplement. J’eus aimé que mon fils aujourd’hui disparu aie rencontré cette belle énergie humaine. Je suis heureuse pour tous ces enfants qui ont trouvé ce lieu de beauté et du sourire. Longue vie à cette association. Tendresse à vous les enfants 🎈🎈🎈

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  4. C’est vraiment très intéressant ! J’admire fortement ces personnes qui donnent autant de leur temps pour aider les autres. C’est important de soutenir les enfants malades. J’ai beaucoup apprécié le passage sur Emmanuelle aussi, c’est vraiment chouette de lire ceci. Le plus important est réellement de faire ce que l’on aime et qui nous rend heureux. Bravo !!

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